80 ans : les compagnons sur la voie communautaire

midy Par Le 20/12/2022 à 11:10 0

Les compagnons sur la voie communautaire

80 ans80 ans : les compagnons sur la voie communautaire

22 décembre 1942, Marcel Barbu retrouve sa famille et ses compagnons après deux mois d’internement qui clôturent une année qui a mis à rude épreuve la vie de chacun.

Pour Marcel Barbu, son rêve communautaire est représenté par la construction de la « chère maison », chant repris lors de leurs rassemblements :

                Nous l'avons bâtie, la chère Maison

                Et toute notre vie, nous la protégerons

1942, c’est le temps pour creuser les fondations, profondes pour une construction solide. Pour la communauté naissante, ça se traduire par :

La formation, la relève, l’internement de Marcel Barbu…

Et un petit clin d’œil sur 2022, l’aventure continue.

2 mai 1942 à Saint-Georges-les-Bains  

Le 2 mai 1942 (pour le 1ᵉʳ mai, toutes les manifestations sont interdites), tous les compagnons et leurs familles sont invités par Marcel Barbu à Saint-Georges-les-Bains (Ardèche, à 10 km de Valence) pour un pique-nique tiré du sac.

Étonnement des compagnons, c’est tous ensemble patron et ouvriers ?

Chacun arrive par ses propres moyens, il n’y a pas de voiture, Marcel Barbu et toute sa famille sont venus en calèche. Ils se retrouvent une cinquantaine.

Après le déjeuner, et le vin faisant son effet, les hommes chantent des chansons un peu « grivoises » et qui font mal aux oreilles musiciennes de Marcel Barbu. Il propose, comme un jeu, d’apprendre à chanter en « canon ». Laborieux au début, le chant prend une tournure qui en étonne plus d’un.

Marcel Barbu propose que, pour ceux qui le veulent, des cours de chant soient organisés dans l’entreprise, pris sur le temps de travail.

Même ceux qui chantent faux et qui ne se sentent pas concernés approuvent.

Après le chant, d’autres formations générales se mettent en place et atteindront huit heures par semaine prises sur le temps de travail. Par manque de locaux, les cours se déroulent dans les ateliers.

Au 2ᵉ semestre 1942, c’est un tiers des compagnons qui participent à un stage d’une semaine à Uriage (École nationale des cadres de la jeunesse d'Uriage, Isère, dissoute en décembre 1942) qui a pour but de former une nouvelle élite française. Pour les compagnons, ils veulent apprendre à s’exprimer en public et mieux développer leurs idées.

Pour Marcel Barbu, seule la formation « générale » donne aux compagnons la capacité de prendre les bonnes décisions.

  

PHOTO : 2 mai 1942 à Saint-Georges-les-Bains

Arrêté du préfet de la Drôme  

En juin 1942, le gouvernement de Vichy a une idée formidable : chaque fois que trois volontaires iront travailler en Allemagne, un prisonnier Français est libéré !

Les entreprises doivent fournir l’état de leur effectif salarié pour déterminer ceux qui sont utiles à la fabrication et ceux qui peuvent être libérés de l’entreprise. Devenus sans travail, ils seront fortement invités à être candidats pour l’Allemagne.

Un échange « animé » s’engage entre Marcel Barbu et les compagnons : il est décidé de ne pas remettre le document réclamé par l’administration.

Cette discussion, où l’avis de chacun compte, fortifie la cohésion du groupe.

Marcel Barbu est convoqué à la Préfecture le 23 octobre 1942 pour lui demander, sous la menace, de remplir ce document, il refuse.

La réaction du préfet ne se fait pas attendre, le 28 octobre, par arrêté, l’internement à Fort-Barraux est décidé.

  

PHOTO CI-CONTRE : les compagnons ont donné un peu de couleur à l’arrêté du préfet

Fort-Barraux  

L’internement de Marcel Barbu

Article 1er - Mr BARBU, né le 17 octobre 1907 à Nanterre, industriel à Valence, 41 rue Montplaisir, est astreint à résider au centre de séjour surveillé de FORT BARRAUX (Isère) où il sera conduit immédiatement.

Article 2 - Le texte de cet arrêté sera affiché :

1°) aux lieux ordinaires d'affichage des actes administratifs de la mairie de Valence.

2°) à la porte principale de l’usine de Mr BARBU.

Toute lacération de cet arrêté sera punie d'amende ou d'emprisonnement prévus par' la loi du 29 juillet 1881 (article 15 et 17)

Article 3 -  Mr le Commandant de gendarmerie est chargé de l’exécution de cette décision dont copie sera adressée à Mr le Ministre Secrétaire d’État à l’Intérieur et Mr le Ministre Secrétaire d’État au Travail.

Valence, le 28 octobre 1942

Le Préfet,

Y. AMON

Arrêté par les gendarmes, Marcel Barbu refuse que les compagnons s’y opposent. Est-ce que dans sa tête il revoit la scène de l’arrestation de Jésus ? Cette scène l’avait beaucoup marqué lors de la lecture de la bible quand il avait 8 ans, et sa réaction de gamin : « si j’avais été là, ça ne serait pas passé comme cela ! »

Le lendemain, Marcel Barbu est conduit à son lieu d’internement.

Pendant le mois qu’il reste à Fort-Barraux, Marcel Barbu reçoit la visite de Gustave Coureau, chef des Compagnons de France du Valentinois qui lui remet un appareil photo (photos rares). Il a aussi la visite de Pierrette, son épouse, et deux de ces enfants.

Tous les prisonniers politiques (il y a beaucoup de communistes) doivent quitter Fort-Barraux. Marcel Barbu est conduit au camp de Saint-Sulpice (Tarn) le 23 novembre 1942. Il est libéré le 22 décembre. C’est pendant ces 29 jours d’internement que Marcel Barbu fait la connaissance de Marcel Mermoz, une nouvelle histoire commence.

De retour à Valence, Marcel Barbu propose aux compagnons de faire de 1943 une année d’essai de vie communautaire.

  

PHOTO rare : Fort-Barraux, Marcel Barbu est au centre

Brésiliens à Valence  

Un film documentaire réalisé au Brésil.

L’expérience communautaire a eu une grande répercussion au Brésil, auprès des milieux catholiques progressistes des années 50 et 60 et a directement inspiré l’expérience communautaire d’UNILABOR, à São Paulo, qui produisait des meubles. Sortie prévue premier semestre 2023.

  

PHOTO : visite de brésiliens à la communauté à Valence  en 1958 (photo pas en très bon état)

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