Le château d’Étoile Le château d’Étoile

D’après des archives rassemblées par

de Jacques du PEUTY

Au temps de la Gaule Romaine, à 11 Km au sud de Valence, passait la « Voie Domitienne » Voie Domitienne ainsi qu’en témoigne une stèle, pierre « militaire » (borne routière) trouvée au hameau de la Paillasse, l’antique via agrippa, qui remontait le Rhône, s’y raccordait  par un péage à Parpaillon, en bas du château d’Étoile. Le voyageur allant vers l’Est franchissait un petit col protégé par deux défenses qui sont à l’origine du château. Les vieux textes parlent du « Castrum de Stella », camp de Stella. Stella vient du bas latin stellatum : pierre, au singulier et, au pluriel, Stellata : murs, retranchement. L’usage l’a traduit en français par : Étoile.

L’histoire du château va se confondre jusqu’en 1600 avec celle des POITIERS du Valentinois. Il n’est donc pas inutile de parler d’abord de ceux-ci.

Les Ducs d’Aquitaine portaient, entre autres, le titre de Comte de POITIERS. Cette ville était un poste avancé, vers le Nord, de leurs vastes possessions du Sud-Ouest. Leur histoire, pendant plusieurs siècles, c'est celle même de la France et de l’Europe. On sait, notamment, qu’Éléonore d’Aquitaine, Reine de France (et plus tard, Reine d’Angleterre) retrouva à Antioche son oncle Raymond de POITIERS et les événements qui suivirent sont à l’origine de la guerre de Cent Ans.

Les Comtes de Valentinois portaient aussi le nom de POITIERS. Leur filiation n’est pas entièrement fixée. Ils semblent se rattacher au GOILON (ou GALIN) qui, au Xe siècle, d’après le Cartulaire Voie Domitienne de Saint-Chaffre, possédaient la portion des terres du Valentinois comprise entre le Doux et l’Eyrieux, sur la rive droite du Rhône. Originaire du Velay, ils pourraient descendre de la maison d’Aquitaine par le célèbre GELON (Guillaume) qui, au temps de CHARLEMAGNE, chassa de France les Sarrasins, mourut moine, fût enterré à Saint-Guilhem-du-Désert, près de Lodève, et, par la suite, canonisé. Les POITIERS du Valentinois auraient repris ce prénom de leur glorieux ancêtre. Dans une charte de l’Abbaye de Léoncel, un Guillaume de POITIERS est qualifié de « cognomen Voie Domitienne Pictavensis ». Cette hypothèse peut s’appuyer sur le fait qu’en 1239, AYMAR II de POITIERS déclarait que ses terres de la rive droite lui revenaient de ses aïeux.

Tout l’effort de ces POITIERS tendait alors à s’emparer des terres de la rive gauche. Mais ils y rencontraient les puissants évêques de Valence. Leur proche parenté modéra d’abord leur rivalité. Plus tard, l’enchevêtrement de fiefs amena fatalement des guerres perpétuelles. C’est ainsi que la ville de Crest appartenait moitié aux évêques et moitié aux Comtes. Peut-être en fût-il de même pour Étoile au début. Mais, des évêques et des Comtes, quels furent les constructeurs du château ? Ce point reste à fixer.

Le plus ancien document concernant Étoile est l’inféodation, en 1157, par l’empereur Frédéric BARBEROUSSE Voie Domitienne , à ODON, évêque de Valence, du château et de la juridiction d’Étoile. Mais en 1178, l’empereur donne le péage d’Étoile au fils d’AYMAR 1er, Guillaume, titré « Gomes valentinois ». Celui-ci, en 1187, assure aux Chartreux de la Sylve Bénite Voie Domitienne une rente payable à « son » château d’Étoile.

D’autre part, en 1244, AYMAR III se fait remettre Étoile et diverses autres seigneuries par l’évêque de Valence et en fait hommage au Dauphin. Ce fut lui aussi, qui, en 1244, accorda aux habitants d’Étoile une Charte d’affranchissement. Gravée en pierre, elle demeure toujours au portail de l’église. La tradition veut que cette charte soit l’origine de l’avantageuse devise d’Étoile : « Non licet omnibus », marquant la différence entre cette paroisse et celles non affranchies alentour. Cette devise d’origine gréco-latine (que certain prononcent : « Non lucet omnibus » sans que le sens en soit altéré) reste inscrite au clocher de l’Église.

Celle-ci, dédiée à Notre-Dame, aurait été commencée en 1098 par les Bénédictins de l’Abbaye de Soyons Voie Domitienne , relevant eux-mêmes de l’Abbaye de Saint-CHAFFRE, en Velay, qui possédaient déjà un prieuré à Saint-Marcellin, sur le chemin de Motoison. Il serait intéressant de connaitre la date de construction du clocher dont le faîte a été, en 1960, rétabli dans sa forme originale. En effet, la disposition des moellons et la forme des ouvertures rappellent singulièrement ceux des routes de la vieille tour du château et permettent de penser que les deux bâtiments sont de la même époque.

La rivalité entre les évêques et les comtes, restée ardente sous les AYMAR III et IV, s’apaisa quelque peu sous AYMAR V et Louis 1er. Celui-ci, au cours d’une vie brève et glorieuse, servit sous les bannières royales et revint mourir à Étoile en 1346, nous sans avoir fait son testament « in camera balistarum » (chambre des arbalètes) dans une tour dont les vestiges subsistent. Comme tous ses aïeux POITIERS, il fût enterré chez les capucins de Crest.

Son successeur AYMAR VI reprit avec âpreté les luttes féodales. Il finit par conclure une paix avantageuse mais, dépourvu d’héritier mâle, il institua comme héritier non pas son oncle Charles de SAINT-VALLIER, chef de la branche cadette, mais un cousin de Veynes, ainsi dit LOUIS II Voie Domitienne . Or celui-ci, criblé de dettes, se résolut à suivre l’exemple de HUMBERT II, dauphin du Viennois, lequel avait cédé son comté par testament au fils ainé du Roi de France qui porta, le premier, le titre de Dauphin, avant de ceindre la couronne de LOUIS XI. Voie Domitienne

Ainsi LOUIS II, en 1419, fit de même en ce qui concerne ses deux comtés du Valentinois et du Diois. Mais la branche SAINT-VALLIER, cadette, protesta contre cette aliénation. Un arrangement intervint an 1426 qui lui attribua quelques parties du fief, dont le château d’Étoile.

Celui-ci jouissait d’une grande réputation, si nous croyons les descriptions de l’époque. L’une vante son donjon aux murs de neuf pieds d’épaisseur, sa tour d’entrée et son jardin garni de treillis. L’autre le décrit « …grand château beau et délectable, vaste à y recevoir les rois et les princes qui traversent le Valentinois. Il a des eaux abondantes, un fort donjon et une habitation bien close de murs au milieu d’un territoire fertile, de vastes forêts pour la chasse et le chauffage et des pêcheries dans le Rhône qui l’avoisinent ».

Jean de POITIERS le modernisa et l’embellit encore. Aussi ne faut-il pas d’étonner si, visitant son apanage en 1448, le premier Dauphin, futur LOUIS XI, le trouva fort à son goût. Il se le fait attribuer par le Conseil delphinal Voie Domitienne . Il devait y séjourner 6 jours en 1449, 12 en 1450, un en 1451 et un en 1457. À sa mort, le château toujours parfaitement entretenu, fût rendu à AYMAR de POITIERS-SAINT-VALLIER, père de Jean et grand père de Diane. C’est probablement à cette époque que, dans la tour de la porte forte, qui subsiste, fût percée la fenêtre à meneaux, manifestement plus récente que le reste.

Jean de POTIERS que succède à AYMAR, est un personnage historique. Longtemps loyal serviteur de la couronne dans de très hautes fonctions, il rejoignit, dans un mouvement de dépit, le Connétable de BOURBON rallié à Charles QUINT. Condamné à avoir la tête tranchée, il ne dût son salut qu’à l’intervention de sa fille.

Diane était née en décembre 1499 et plutôt à Étoile qu’à Saint-Vallier ou à Pizançon puisqu’elle tint à porter, sa vie durant, et jusque dans son testament, le titre de « Dame d’Étoile ». À sept ans elle est à Saint-Vallier. Elle le quitte huit ans plus tard pour suivre son mari Louis de BRÉSÉ, sénéchal de Normandie, beaucoup plus âgé qu’elle, et parcourir à la Cour de France l’éclatante carrière que l’on sait. Beaucoup de légendes ont couru sur la façon dont elle obtint du Roi la grâce de son père. Il semble exacte que le cavalier, apportant le message de pardon à bride abattus, arriva in-extrémis pour empêcher que soit posée sur le billot la tête du condamné, blanchie, dit-on, en une nuit. Gracié définitivement en 1527, il mourut paisiblement un peu plus tard.

Diane lui survécut plus de 30 ans, belle, dit-on, jusqu’à son dernier jour. Elle ne revint que rarement au pays de ses pères, mais l’affectionne toujours. Héritière des biens de son frère Guillaume, qui testa à Étoile, elle fit ériger le Valentinois en duché par HENRI II. Retirée à Anet après la mort de celui-ci, elle revint une dernière fois à Étoile le 29 septembre 1565 et le 12 octobre à Saint-Vallier. Elle devait mourir 6 mois après (26 avril 1566). « Moult débonnaire et aumônière », si l’on en croit le Brantôme, elle léguait à l’Hôpital d’Étoile (auquel elle avait déjà fait don d’une cloche qui sonne encore aujourd’hui sur une chapelle voisine) une rente annuelle de 383 livres 9 sols qui vint s’ajouter à un legs de son frère Guillaume.

Après sa mort, le château d’Étoile fût à peu près abandonné. Il était encore solide en 1578 puisqu’il résista victorieusement aux assauts des protestants qui s’étaient rendu maîtres du bourg et détruisirent les archives communales. Le pays a gardé la mémoire de ce siège. Le lieu où furent pointés les canons au Sud, sur le coteau, porte encore le nom de Séty (siège). On voyait encore, il y a peu, sur le rempart, des traces de boulets.

Mais il s’avéra que la duchesse d’Aumale, fille et héritière de Diane, n’avait pas les moyens d’entretenir le château. Il est donc compréhensible que le fief ait été réuni au domaine royal en 1611. D’ailleurs, la paix revenue avec le roi HENRI IV rendait les remparts inutiles. Et l’édit de LOUIS XIII, en 1626, ordonnant la destruction de toutes les forteresses intérieures du royaume, lui porta l’estocade finale.

Ainsi disparut le fier donjon qui dominait la vallée. Ainsi s’écroulèrent les deux tours carrées que l’on voyait de loin et qui avaient fait donner à l’ensemble son nom populaire de « la Bistour ». Le tout devint, peu à peu, une carrière de pierres.

La seigneurie subsistait pourtant. Mais elle fût aliénée pour les besoins de l’État, d’abord au profit de la famille de VILLE (1639-1643) puis de celle de BUDOS (jusqu’à 1654), puis à nouveau au profit des de VILLE qui prirent le titre de vicomtes d’Étoile. Le comte de Tournon, en Languedoc, y conservait aussi certains droits.

Les seigneurs étrangers, qualifiés juridiquement d’ « engagistes » ne résidaient naturellement pas à Étoile. Ils y étaient représentés par un « Vice-capitaine Châtelain de la vicomté d’Étoile ». Ces fonctions furent exercées, jusqu’à la veille de la Révolution, par des membres de la famille JACQUIER de VAULOUIS de MONTBRUNET (Denis puis Henri) et de vieille famille étoiliennes qui leur étaient alliées (BENOÎT, puis ROUX). Les VAULCUIS habitaient, jouxtant l’Est du Château, une résidence et des terres dont certaines en avaient fait partie.

Par ailleurs, une branche des Comtes du Pont de Soyons, très ancienne famille vivaroise, résidait depuis 1742 à Étoile, en face de l’Église et près du Château, dans une maison dite « la maison du Comte ». Les familles VAULOUIS et du PONT étaient alliées entre elles et elles l’étaient aussi à une famille de PARISOT de DURAND, résidant à Valence et Saillans (mandement de Chabeuil) qui avait hérité en 1761 du nom et des droits de PHILIPPE IV de DURAND de Châteaudouble.

Le château d’Étoile,  D’après un texte de Jacques du PEUTYAprès la Révolution, par le jeu des alliances et des éliminations dues aux évènements, c’est Honoré-Laurent de PARISOT de DURAND de la BOISSE (nom sous lequel il avait servi, depuis le 22 mai 1779, au Régiment de Champagne) qui rassemble les droits et les biens des trois familles du fait de sn mariage avec Jeanne-Julie, la dernière des du PONT. Il se trouva ainsi propriétaire de la presque totalité des terres du vieux Château dont la partie nationalisée avait été rachetée par son beau-père, Louis-Henri du PONT.

Dès lors il entreprit de restaurer, d’agrandir et aménager dans la partie basse, ce qui restait des constructions anciennes adossées au vieux rempart. En même temps, il s’employa à libérer les bâtiments disparates qui avaient proliféré dans l’enceinte à l’abandon. Cette œuvre d’édification et assainissement fût poursuivie pas ses descendant Henri, Jules et Louis. C’est seulement en 1951 que ce dernier put clore définitivement l’ancienne porte forte.

Il subsiste encore aujourd’hui de l’enceinte fortifiée : la tour de cette porte forte (classée), un fragment de l’ancien chemin de ronde (incorporé à l’habitation actuelle), une ligne de rempart longeant le « vingtain » (quartier où se payait jadis l’impôt du vingtième pour l’entretien des remparts), et les murs de deux étages de la tour dite « des arbalètes » où l’on peut encore distinguer le manteau d’une cheminée et, vestige inattendu : un retrait de garde-robe !

De l’ancienne habitation, il demeure le grand escalier voûté de sa porte d’entrée qui relie la partie haute à la partie basse et deux puits dont le plus vieux marque l’emplacement du donjon, près d’une partie du jardin qui porte encore le nom de « l’audience », seul souvenir de l’ancienne destination de ce lieu.

                L’ensemble est aujourd’hui la propriété des quatre enfants de Mr. Louis PARISOT de la BOISSE : le Commandant de la BOISSE, la Comtesse Jacques du PEUTY, le Révèrent-Père  de la BOISSE, Madame Jacques TOLLET.

Jacques du PEUTY, qui a rassemblé les archives, note à la fin : D’après les notes de Mr. Louis de la BOISSE et les archives conservées au Château.

Un article paru sur le bulletin municipal de la commune d’Étoile-sur-Rhône, numéro de janvier 1979, est tiré du texte de Jacques le PEUTY

Archives départementales de la Drôme : cotes 287W118, 63Fi13

Et plusieurs articles de Wikipédia

Pour aller plus loin ensemble

Date de dernière mise à jour : 03/11/2023

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