Les archives ont leur histoire

 

 

Boimondau, les archives ont aussi leur histoire

 

2019

24 pages

L'exemplaire papier est consultable au archives départemantales de la Drôme et aux archives de la ville de Valence

Les archives des Communautés de travail de Valence sont nombreuses et très riches. Ce sont les premiers acteurs de Boimondau, Marcel BARBU et Marcel MERMOZ, qui ont le souci de préserver ce patrimoine ouvrier.

Quand le danger de disparition est survenu, une opération de sauvetage type « commando » a été mise sur pied et les archives ont été stockées en différents lieux de la ville.

Ce petit fascicule doit permettre d’aider les chercheurs dans leurs premières approches de l’Histoire Communautaire à Valence.

Suivant le but de recherche, il est possible de trouver :

1-L’expérience de la première Communauté de travail créée en 1941 par Marcel BARBU qui devient Boimondau quelques années plus tard.

2-Voir plus large et s’intéresser à toutes les Communautés et expériences communautaires créées à Valence.

3-Ces communautés ont organisé le développement communautaire en France, de nombreux documents témoignent de cet engagement.

4-Les Communautés ce sont des hommes (des personnes pour ne pas froisser) : Marcel BARBU, Marcel MERMOZ, mais aussi Gaston RIBY et Claude DELMAS, et dans des places moins connues mais très importantes : Pierrette BARBU et Robert BROZILLE. Tous ces personnages ont œuvré dans les premières années.

5-Les archives de la première communauté sont riches d’évènements concernant la période de la 2ème Guerre mondiale et la Résistance en Drôme.

Les importantes archives à Valence (Drôme) sur les expériences des Communautés de travail sont l’honneur de deux personnages. Marcel BARBU, l’inventeur, le réalisateur, porteur d’un projet qui prend sa source dans les « Évangiles mises en pratique ici-bas », et Marcel MERMOZ, qui puise sa force et ses certitudes dans le « communisme mis en pratique à Valence » qui a prolongé, aussi longtemps que les expériences le pouvaient, l’idée qu’un autre monde est possible. L’un et l’autre sont des fonceurs, il faut savoir courber le dos, s’arrêter un instant pour laisser passer l’orage, y puiser une nouvelle énergie et être prêt à rebondir dès la première éclaircie.

Dans cette vaste « forêt de boites archives » apparait quelques documents privés concernant Marcel BARBU et Marcel MERMOZ, glissés là comme des marques pages, qui aident le chercheur à pénétrer dans la vie personnelle des deux personnages et permettent de mieux comprendre leur état d’esprit.

Ces archives dépassent largement les réalisations communautaires de Valence. Des liens sont tissés avec toutes expériences communautaires en France, en Belgique, en Suisse, etc. car chaque nouveau projet communautaire commence par la visite de Boimondau. C’est aussi à Valence que se terminent les associations parisiennes chargées du développement : l’Entr’aide communautaire et l’Entente communautaire. Valence devenant leur nouveau siège social, la documentation suit.

En 1971 l’entreprise Boimondau dépose le bilan et par le jugement du 22 septembre 1971 le tribunal de commerce de Romans prononce la liquidation des biens de la Société Coopérative Ouvrière de Production Boimondau ; la fin de la première expérience communautaire est proche.

Les locaux se vident des compagnons, l’usine est devenue depuis plusieurs semaines un terrain de jeux pour les enfants, ce qui ne va pas sans quelques dégradations.

Les documents, en boites ou en vrac, sans intérêt marchand, sont laissés sans surveillance.

Marcel MERMOZ, très attaché à l’histoire du mouvement ouvrier à Valence, et bien au-delà, constatant que les archives de la première communauté de travail ne sont pas entretenues prend conscience des risques possibles de disparition de ces précieux documents.

En octobre 1971, il avise Henri DESROCHE de cette situation, qui lui répond quelques jours plus tard (le 28 octobre 1971) : « Je pense qu’il serait temps de recueillir toutes les archives de Boimondau, car on ne peut pas laisser disparaitre dans l’oubli absolu une expérience d’une telle envergure. Je voudrais arriver moi-même à dégager un jour les deux ou trois mois nécessaires pour exploiter ces archives, et commémorer un acteur [Henri DESROCHE pense-t-il à Marcel BARBU ou à Boimondau ?] qui sur nous tous a laissé une pareille empreinte. »

Marcel MERMOZ en informe aussitôt Marcel BARBU qui prend l’initiative d’une action auprès du Président du tribunal de commerce de Romans, Louis BLAIZAC, dans une lettre datée du 18 novembre 1971.

« … À titre tout à fait personnel, je me permets d’attirer votre attention sur l’intérêt qu’il y aurait à sauver de la destruction les archives communautaires de Boimondau.

J’entends par là la partie des archives de Boimondau qui a trait à la naissance, la constitution de la Communauté et au fonctionnement de ses organes originaux : groupes de quartier, équipes professionnelles, équipes sociales, service social, Conseil Général, Assemblées Générales, tribunal intérieur, règles successives.

À vrai dire, ma requête ne vise que la période qui s’étend de 1941 à 1951, c’est-à-dire cette phase de la vie de Boimondau qui fût si gonflée d’un message qui a retenu l’attention de tant de nos contemporains et sur laquelle se sont penchés tant de penseurs, philosophes, sociologues et militants de toutes idéologies.

Comme vous le voyez, il ne s’agit que de documents très anciens et qui n’intéressent pas positivement la liquidation. Ils ne représentent, en outre, aucune valeur vénale.

Je suis persuadé que vous trouverez aisément à Valence les concours nécessaires pour opérer ce tri et ce sauvetage, ne serait-ce qu’auprès des membres de la Cité Horlogère (Hautes Faventines à Valence) et tout spécialement de leur responsable, Monsieur Marcel MERMOZ, mon successeur à la tête de la Communauté Boimondau.

Soyez assuré de ce que ma démarche ne poursuit aucun but intéressé et que je n’en attends rien pour moi-même. Je pense seulement qu’il était mon devoir d’attirer votre attention sur ce qu’il y aurait de regrettable à voir détruire des documents si chargés de significations, de messages, de jalons pour la découverte d’une société humaine adaptée à notre époque, à nos moyens et à laquelle tant d’hommes aspirent, sans pouvoir en formuler les règles pratiques efficaces et satisfaisantes pour tous. »

Le même jour, Marcel BARBU envoi une copie de cette lettre à Maitre René BALSAN (juge-Commissaire de la liquidation de Boimondau).

Le Juge ne tarde pas pour répondre (le 23 novembre 1971) : « Je transmets aussitôt une photocopie de votre lettre aux Syndics chargés de la liquidation : Maitres MADONA et BERNARD, en leur demandant si les archives concernant les débuts et l’organisation de Boimondau existent encore, et si elles n’intéressent pas spécialement un acquéreur éventuel du fonds industriel, de prendre contact avec Mr MERMOZ pour les lui remettre, comme vous le souhaitez. ».

Ce même jour (le 23 novembre 1971), Marcel BARBU reçois un courrier de Maitre Roland MADONNA (administrateur judiciaire, syndic) : « Je vous remercie d’avoir bien voulu attirer mon attention sur l’intérêt qu’il y aurait à sauver de la destruction les archives communautaires de Boimondau.

En plein accord avec Monsieur le Juge-Commissaire, il a été précisé que Monsieur Marcel MERMOZ, votre successeur, pourrait effectuer un tri dans les archives de la Communauté afin de mettre à l’abri les documents ayant une valeur psychologique et une valeur de test pour les vocations que pourrait susciter l’expérience que vous avez tenté.

 Je vous demanderai simplement de prier votre successeur de remettre à mon étude la liste des documents qu’il compte récupérer et je ferai rendre, dès que nous serons tombés d’accord sur les pièces présentant un intérêt, une ordonnance par Monsieur le Juge-Commissaire, aux fins de régularisation. ».

La récupération des archives communautaires de Boimondau est maintenant du ressort de Marcel MEZMOZ qui a toujours montré un intérêt certain pour toute conservation de la mémoire ouvrière. Le 29 novembre 1971 il écrit au président du tribunal de commerce de Romans : « Co-fondateur de cette Communauté, et l’ayant dirigé de 1944 à 1953, j’avais entrepris d’écrire un ouvrage sur cette expérience sociale. Les documents, pour ce travail, étaient accessibles grâce à l’obligeance des membres de Boimondau.

Il est à craindre que les archives sociales et communautaires disparaissent ou soient dispersées à l’occasion de cette liquidation.

En accord avec notre fondateur Marcel BARBU et sollicité par moi le Professeur au Collège des Hautes Études, Henri DESROCHE, Directeur du « Centre de Recherches Coopératives », je vous demande de m’autoriser à faire un tri dans les archives Boimondau et de sauver ainsi de la destruction les documents communautaires et sociaux qui jalonnent cette expérience, pour la période allant de 1941 à 1960.

Ces documents n’ont aucune valeur pécuniaire et n’intéressent en rien (vu la période considérée) la liquidation en cours. Au contraire, ils sont chargés, pour ceux qui ont vécu cette expérience, de valeurs historique et affective. Vous trouverez ci-joint, la liste des documents qu’il conviendrait de retrouver et de conserver. ».

Marcel MERMOZ écrit le même jour une lettre à Maitre René BALZAN, l’informe de la lettre qu’il a envoyée au Président du Tribunal de Commerce de Romans, dont il remet une copie, ainsi qu’une copie de la lettre d’Henri DESROCHE et la liste des archives à retrouver. Ce même envoi est remis à Maitre Roland MADONNA.

Il est à noter que Marcel BARBU, comme Marcel MERMOZ, fixent la durée de l’expérience communautaire Boimondau aux 10 à 15 premières années.

Il ne faut pas perdre de temps, un acquéreur pour le fonds Boimondau peut se présenter à tout moment. Marcel MERMOZ récupère les documents qu’il avait listés pour la période 1941 à 1960 :

I-Documents de la vie communautaire

II-Documents de la Résistance et du maquis de Mourras

III-Documents de vie sociale et des œuvres sociales du Comité d’Entreprise

IV-Documents de la vie administrative et économique (1941-1951)

Mais voilà, il en manque. Le 7 décembre 1971, Marcel MERMOZ signale à Maitre MADONNA qu’il n’a pas trouvé 3 pièces mises en sécurité à son départ en 1961 dans le coffre-fort de Boimondau. Il s’agit :

Copie de la lettre de Barbu au Maréchal Pétain, refusant de communiquer la liste des ouvriers pour le STO (1942).

Original du décret de 1942 du Préfet de la Drôme ordonnant l’internement administratif de Marcel BARBU.

Original de l’attestation de Résistance aux allemands du Colonel DESCOURS.

« Il est vraisemblable que vous devez avoir les clefs du coffre et je vous demande, à l’occasion d’une de vos visites à Boimondau de vérifier si ces documents s’y trouvent toujours et de vouloir bien me les remettre. ».

Dans ce même courrier Marcel MERMOZ précise son projet de reprise du fonds de la Communauté Boimondau par la Cité Horlogère.

Le 13 décembre 1971, Maitre MADONNA répond : « Les documents que vous portez à ma connaissance sont fort intéressants.

Je vous informe qu’il n’y a plus de coffre. Ce dernier a été vendu à la casse il y a 2 ans. »

Le 30 juin 1972, Centralor (l’une des communautés de la Cité Horlogère) décide de se porter candidat au rachat du fonds Boimondau : matériel, raison sociale, fonds de commerce, brevets et accessoires.

Ce rachat est réalisé le 6 octobre 1972, personne n’ayant candidaté lors de la précédente mise en ventre.

Le déménagement se fait par le personnel, la communauté Centralor s’équipe d’un camion Citroën pour faciliter le déplacement des machines. Il est même prévu un agrandissement des locaux pour mettre en service les machines de Boimondau.

L’ensemble des archives Boimondau est sauvé.

Pour sauvegarder les principales archives de Boimondau  les « hommes de loi » ont compris leur importance et ont très vite réagi. Quelques jours ont suffi !

Marcel MERMOZ veille sur les archives qu’il met à la disposition des chercheurs sous leur responsabilité. Les thèses, mémoires et autres articles sont encore nombreux après la fermeture de l’usine. Quelques exemples :

Henri DESROCHE (1914-1994) est un sociologue reconnu dans les champs des religions et de la coopération. Fondateur du Collège Coopératif, du Réseau des Hautes Études des Pratiques Sociales (RHEPS) et de l’Université Coopérative Internationale (UCI). Il connait la communauté Boimondau dès son émergence à Valence appelée alors Communauté Marcel Barbu, peu de temps après sa création il écrit un article dans la revue Économie & Humanisme en mai 1944. Marcel BARBU parti, il continuera ses relations avec Marcel MERMOZ et dans le cadre de l’Entente Communautaire il effectue plusieurs études sur cette communauté.

Et aussi, c’est en puisant dans ces archives que Marcel MERMOZ écrit son ouvrage « L'autogestion, c’est pas de la tarte » Entretien avec Jean-Marie DOMENACH,  240 pages, Éditions du SEUIL, 1978. C’est la communauté vue,  vécue par Marcel MERMOZ.

Puis Pierre PICUT « La communauté BOIMONDAU, modèle d'éducation permanente : une décennie d'expérimentation (1941 - 1951) » 2 tomes, 535 pages + 513 pages d'annexes. Université Lumière, Lyon II - 1991. Il ne traite que les 10 premières années, les plus riches, confirment ainsi l’avis de Marcel BARBU et Marcel MERMOZ, celles qui ont produit le plus de documents. Il s'appuie sur ses entretiens avec Marcel Mermoz et fait référence à ce qui est écrit dans son livre. Bien que cette thèse soit sortie 10 ans après le décès de Marcel MERMOZ, Pierre PICUT a commencé par la consultation des archives stockées à la Cité Horlogère.

Marcel MERMOZ compte beaucoup sur l’intervention du Collège Coopératif Rhône-Alpes qui a répondu en mai 1977 à un appel à projet de la Région et du CNRS : « Conservation du patrimoine régional », programme pluriannuel en Sciences Humaines dans la Région Rhône-Alpes. C’est Pierre PICUT qui est chargé d’animer ce travail : « Sauvetage et exploitation des archives de Boimondau et des Coopératives Ouvrières de Production de la région Rhône-Alpes ».

Le travail est énorme, et le Collège Coopératif se recentre sur les archives Boimondau et des Communautés de travail de la Cité Horlogère, Centralor et Cadreclair. Quand Pierre PICUT prend connaissance des archives communautaires à Valence, elles sont stockées dans l’ancien local du Comité Interentreprises, locaux vétustes, toiture en mauvais état, présence d’humidité et les rayonnages sont insuffisants. L’objectif que se fixe le Collège Coopératif est ambitieux, en plus de classer les documents papiers, il projette de retrouver des témoins et de les interroger, d’opérer des rapprochements avec différents mouvements sociaux, politiques, religieux, en particulier les Compagnons de France, les chantiers d’Uriage, LIP, le rassemblement Communautaire puis l’Entente Communautaire et les syndicats ouvriers. Travail qui ne sera jamais mené à terme.

Marcel MERMOZ espère réunir toute l’Histoire Communautaire dans un seul lieu. Sa petite-fille, Ghislaine CLOT, étudiante, passe les deux mois de l’été 1981 à regrouper, ranger, les archives de Boimondau. Le 23 octobre 1981, quand la maladie ralentit son écriture, il écrit à Henri DESROCHE : « Où en est le projet de l’installation à Aix-en-Provence ? Je pense que tu es toujours d’accord pour qu’il y ait, là-bas, un coin « Panaït ISTRATI » et une salle pour les archives de Boimondau et de la Cité Horlogère ? Je voudrais régler tout cela tant qu’il me reste un peu de forces.

« À Valence, j’ai harcelé PICUT pour qu’il avance son travail sur Boimondau.

« Ici, à la Cité, nous vivons les derniers jours d’une belle expérience. Centralor devra déposer le bilan et Cadreclair sera entrainé dans le désastre. C’est la vie et c’est pour cette raison que le souci et le sort des archives que je détiens est pour moi préoccupant. »

Il informe aussi Henri DESROCHE de son projet de se rendre en Roumanie, fin novembre, pour rencontrer son ami TALEX. Voyage qu’il ne pourra pas réaliser, la maladie est la plus forte.

Marcel MERMOZ n’aura pas le temps de rassembler toutes les archives communautaires dans une seule salle, dans ce cas, elles auraient quitté Valence, et à Valence, elles sont réparties en plusieurs lieux.

Personne n’a repris l’ambition de Marcel MERMOZ et du Collège Coopératif de créer un lieu de mémoire et de témoignage des Communautés de travail ouvert aux chercheurs et au public.

Le gardien historique Marcel MERMOZ n’est plus là pour veiller sur les archives, il y a un risque de pillage, de dispersions entre de nombreuses mains. Il faut faire vite.

Nous ne savons pas comment a été organisé le sauvetage des archives et par qui, mais nous savons que le terrain et les locaux sont propriétés de la ville de Valence. En effet, en mai 1981, l’Entr’aide Communautaire vend tous ses biens à la ville et en octobre 1981, la SCI Centralor est vendue au Crédit Agricole. Ces ventes doivent permettre à la dernière communauté Cadreclair de poursuive son activité pendant quelques mois.

Les archives venant de Boimondau sont stockées à la nouvelle médiathèque de Valence, juste après son inauguration le 4 février 1983, le nouveau conservateur Jacky EBRÉARD demande à Rose-Marie BUIS d’aller chercher les archives Boimondau en profitant du personnel et des véhicules qui effectuent le déménagement de la bibliothèque.

Quelques mois plus tard, Rose-Marie BUIS entreprend un classement en cinq thèmes : Économie. Vie communautaire. La vie sociale et les loisirs. Mouvement fédérateur et La campagne présidentielle de Marcel BARBU. L’inventaire réalisé est publié dans la « lettre du fonds local », numéro 9 de mars 1989. Cet ensemble comprend 199 boites étiquetées par le sujet.

Toutes ces boites ne représentent pas toutes les archives.

Pendant l’année scolaire 2005-2006, Aurélie BARRAL, étudiante, réalise l’inventaire de 75 boites numérotées de 1 à 75, sans classement spécifique.

Suite à un déménagement interne, la numérotation des boites est complétée, de 76 à XX englobant l’inventaire de Rose-Marie BUIS et autres.

Ponctuellement des documents sont retirés des boites pour être mis à la disposition de chercheurs, Pierre PICUT par exemple, ou pour réaliser « l’Exposition virtuelle » en 2010, documents qui sont restés regroupés dans 5 boites. En 2019, Guillaume GOUGUES, (Maitre de conférences en science politique, Université Lyon 2 - UFR Anthropologie, Sociologie et Science politique, Chercheur au laboratoire TRIANGLE), entreprend la numérisation d’une partie des archives de Boimondau et certains documents lui sont confiés.

Une dizaine de jours avant son décès (survenu le 5 janvier 1982) Marcel MERMOZ demande à Hélène MARIE de « travailler à la formation d’une association qui regrouperait les anciens du maquis Mourras, les acteurs d’autres communautés et leurs amis ». C’est chose faite dès la fin de l’année, les statuts sont officiellement déposés le 21 janvier 1983 : l’association des compagnons et amis de communautés de travail autogérées a pour  but :

a) Maintenir des contacts d’amitié et de solidarité entre ses membres par des réunions amicales, culturelles, édition d’un bulletin de liaison interne, etc…

b) De sauvegarder les biens matériels et moraux de l’expérience communautaire, et notamment par la conservation des archives sociales et historiques, vécue par les membres de la Communauté de Travail Boimondau et de la Cité Horlogère de Valence (Drôme), ainsi que la recherche de tous documents relatifs à toutes les expériences de S.C.O.P. à forme communautaire.

c) Mettre à la disposition des chercheurs et de ceux qui s’intéressent à l’autogestion des entreprises l’expérience vécue par les anciens Compagnons des Communautés de Travail.

L’association a eu trois présidents : Hélène MARIE, Marcel BESSIERE et Robert BROZILLE.

Principales réalisations :

Réalisation d’un bulletin de liaison : Liaison, 62 numéros.

Dépôt d’une plaque sur la ferme Mourras à Combovin

31 mars 1989 : Réalisation d’une exposition à Valence

14 avril 1989 : conférence de Pierre PICUT à Valence « Boimondau et la Cité Horlogère »

17 octobre 1991 : Inauguration d’une rue Marcel BARBU à Valence pour le cinquantenaire de la communauté Boimondau.

Le même jour : Dépôt d’une plaque commémorative sur les anciens bâtiments de la communauté Boimondau, rue Montplaisir à Valence

En 2006, les archives de l’association des compagnons et amis de communautés de travail autogérées qui se sont étoffées au fil des dépôts des membres, sont déposées par Robert BROZILLE le 17 août 2006 suite à la dissolution de l’association.

En 2005, les archives d’Henri DESROCHE sont versées par la famille. Henri DESROCHE a beaucoup travaillé avec l’Entente Communautaire et avec toutes les entreprises communautaires.

Les médiathèques ne sont pas les lieux habituels pour le dépôt d’archives d’entreprises, la proximité entre Boimondau et la médiathèque est ancienne.

Dans le courrier du 6 janvier 1945 la bibliothèque municipale de Valence écrit à Robert BROZILLE, gérant du bulletin Le Lien  de la Communauté Marcel Barbu :

« …En raison du caractère éminemment social que présente cette communauté et, d’autre part, la bibliothèque municipale s’intéressant à toutes les publications qui concerne notre ville, je vous serais très reconnaissant s’il vous était possible de me faire parvenir les exemplaires de ce bulletin qui manquent à ma collection et de m’en assurer, dans l’avenir, la livraison régulière ». Lettre signée «Le Conservateur »

En réponse, Robert BROZILLE au « Conservateur du Musée » (la bibliothèque et le musée de valence sont administrés par la même personne, dans les mêmes locaux) :

« En ce qui concerne les numéros parus avant août 1944, nous n’en possédons que trop peu d’exemplaires pour nous en séparer. Toutefois dès que la crise du papier sera résolue nous ferons faire un tirage de tous ces numéros et nous vous complèterons votre collection ».

Il apparait que lors du changement de gérant du bulletin, qui est aussi le chef du Service Social de la communauté, la livraison a été suspendue.

Entre 2018-2019, Michel CHAUDY a repris tous les inventaires qui sont renumérotés « Médiathèque », sans classement.

D30051 à D30071, fonds DESROCHE

D30072 à D30092, fonds de l’Association

D30093 à D30428, le fonds Boimondau

D30429 et D30430, fonds de l’association, complément

D30431-D30448, archives propres de la Médiathèque

Mais reste toutes les archives des autres communautés qui font partie du sauvetage : Une partie à l’ancien couvent des Cordeliers (2 Rue André Lacroix) où étaient les archives départementales avant la construction du bâtiment actuel et une autre partie au CCAS de Valence.

En 1983, Michelle NATHAN TILLOY est directrice des archives depuis 1980, suite à Gérard ERMISSE.

Les documents déposés aux archives départementales de la Drôme concernent principalement les communautés faisant partie de la Cité Horlogère qui sont rassemblées dans 3 dépôts dont pour 76J et 78J, l’inventaire a été effectué le 17 juin 1987 et pour le 77J, inventaire effectué en 2019.

76J. La communauté Cadreclair est créée en janvier 1951. Dans les archives on trouve tout ce qui concerne l’administration (statuts, Conseils d’Administration, Assemblées Générales), le fonctionnement, la gestion du personnel (salaires, mouvements, demandes d’emploi), comptabilité, études et fabrication…

77J. L’entr’aide communautaire a été créée le 19 décembre 1948 par Gaston RIBY, l’Abbé GLASBERG, Marcel MERMOZ et Michel ANSELME. C’est une association 1901. Son but est l’aide et la rééducation des réfugiés étrangers (centre d’apprentissage et hébergement), elle est aidée par l’Organisation Internationale des Réfugiés (OIR). Elle est à l’origine de la création de Centralor et Cadreclair, puis en 1956 du Foyer des Travailleurs Étrangers. Elle portera aussi la Communauté « Les  Bâtisseurs du Dauphiné » (1954) et la « Coopérative Avicole de Sélection » sur ses terrains (1960). Dans les archives 77J il y a tout ce qui concerne le fonctionnement de l’Entr’aide Communautaire, mais aussi d’autres documents plus vieux : les archives de Claude BELMAS avec des Comptes rendus du Comité de Libération de Valence (1944) dont faisait partie Claude. Une belle collection de cadrans de Cadreclair, des catalogues des bijoux de Centralor. Et de nombreux bulletins de Communautés amies. Une bonne partie des archives concerne la Cité Horlogère et Boimondau.

78J. La communauté Centralor est déclarée en avril 1950, dans ces archives, il y a les mêmes documents que pour cadreclair.

Pour rétablir l’ordre historique entre ces 3 dépôts, l’entr’aide communautaire, née en décembre 1948, est propriétaire des terrains et des locaux les « Hautes Faventines », rachetés après la faillite de la Cité Donguy-Hermann, pour installer, avec le concours de Boimondau, le Centre Horloger pour réfugiés. Centralor puis Cadreclair sont fondés après pour donner du travail aux personnes formées. Toutes les organisations créées aux Hautes Faventines sont regroupées dans la Cité Horlogère.

Lors des inventaires des fonds 76J et 78J, les archives de la Drôme écrivent :

L'état d'avancement des classements entrepris n'a pas permis de mener à bien l'objectif initial qui consistait à présenter tous ces fonds réunis dans un même instrument de recherche. Il reste toutefois à espérer qu'à l'avenir cette tâche puisse être menée à terme et offrir ainsi au chercheur un outil synthétisant les archives disponibles sur une expérience locale forte et originale de l'après-guerre.

Plus de 30 ans plus tard… espérons que ce souhait reste possible.

126J. L’association des compagnons et amis de communautés de travail autogérées : Différents documents rassemblés par l’Association concernant toutes les Communautés de Valence

395J. Fonds provenant du CCAS de Valence (Centre communal d'action sociale) retrouvé lors de son déménagement en 2018. Dans ce fonds se trouvent des documents sur les communautés Centralor, Cadreclair, Cité Horlogère, Scoméca, Rhônex…

Des documents dans d’autres fonds : Fonds CFDT Drôme-Ardèche (42J 141), fonds Roger PIERRE (335J 247), ou des fonds de la Résistance en Drôme (97J 84)

Il y a aussi quelques documents aux archives de la Ville de Valence concernant les relations entre les projets des communautés et la ville.

Beaucoup d’archives concernent l’Entente Communautaire. Cette organisation nationale qui a pour but de promouvoir l’idée communautaire et d’aider à la création de nouvelles communautés est la suite du Rassemblement Communautaire Français créé par Marcel BARBU en 1946 (jusqu’en 1949) qui était plus axé sur la Révolution Communautaire. Une seule revue depuis 1946 : Communauté, il est difficile de dire le nombre de numéros, chaque année commence par le numéro 1.

Dans les Communautés de Valence les compagnons sont très actifs et créent, suivant leurs besoins, de nombreuses structures :

Professionnelles :

-Entr’aide Communautaire, qui porte toutes les initiatives de la Cité Horlogère

-Centre Horloger, école d’apprentissage

-Société Mutualiste Interentreprises de l’Horlogerie et de la Bijouterie de Valence

-FECOVA : Fédération des coopératives de Valence

-Union Horlogère, regroupe toutes les communautés de Valence

Familles :

-Coopémontplaisir

-Foyer Dauphinois

Loisirs :

-Union sportive horlogère

-Pétanque des Hautes-Faventines

-Ciné-club

-Association des anciens de Mourras

Pour s’y retrouver, un rappel des différentes communautés issues ou à la suite de Boimondau, (bulletin Le Lien, 121 numéros) :

I-Des compagnons Boimondau (BMD) se lancent : Biscuiterie Dauphinoise (boulangerie-biscuiterie), SCOMECA (SCO) (mécanique reprise par la Cité Horlogère), Cotraméca (menuiserie)

II-Avant la Cité Horlogère, au même emplacement, il y avait la Cité Donguy-Hermann, (bulletin La Cité, 5 numéros), qui comprenait les Communautés : Le sillon (boîtiers de montres en or), Mécanhor (mécanique de précision), Commadau (bâtiment), Codastra (Services Administratifs). Il n’y a pas de versement propre à cette cité, nous retrouvons les archives mélangées avec celles de la Cité horlogère.

                     

III-Faisant partie de la Cité horlogère qui au début porte le nom de Cité Horlogère Donguy-Hermann : Centralor (CTR) (Boîtiers de montres en or), Cadreclair (CAD) (fabrication de cadrans), Rhonex (RHX) (fabrication horlogerie), Comptoir Horloger des Cévennes (CHC) (vente d’horlogerie), SCOMECA (SCO) (mécanique).

Les Bâtisseurs du Dauphiné (bâtiment) et VALOR (fabrique de bijouterie et joaillerie) sont deux communautés éphémères.

Il n’est pas rare de voir des documents, plus d’une décennie plus tard, portant le nom de Cité Donguy-Hermann ou Cité Horlogère Donguy-Hermann. La Cité Horlogère édite un bulletin Carillon (premier numéro début 1952, dernier numéro en 1959 [pas sûr], pas de publication régulière).

76J, 1 à 256, Cadreclair

77J, 1 à 191, L’entr’aide communautaire

78J, 1 à 381, Centralor

126J, 1 à 15, L’association des compagnons et amis de communautés de travail autogérées

395J, 1 à 28, Fonds provenant du CCAS

25 juillet 1985 : Les expériences communautaires à Valence prennent fin définitivement par la dissolution du Comité Inter-Entreprises des Sociétés Coopératives à forme communautaire de la Cité Horlogère Donguy-Hermann. La Cité remet, à titre gratuit, à la commune de la Baume Cornillane une maison familiale acquise en 1948, à condition qu’elle soit utilisée à des fins sociales.

Aucun fonds n’est étanche et réservé à une communauté. De nombreux compagnons changent de communauté pour répondre à l’appel d’un chef de communauté, soit pour changer d’air ou pour prendre des responsabilités. D’autre part, des structures communes comme l’Union Horlogère, et des réalisations nombreuses : fêtes, sport, réunions de quartier, rassemblent les compagnons venant de toutes les Communautés.

Parmi toutes ces archives, Marcel BARBU a laissé des documents relatifs à sa première entreprise à Saint-Leu-la-Forêt et la deuxième créée à Besançon, Le bélier, qui devient sa deuxième expérience communautaire.

Mais aussi, Gaston RIBY, arrêté et déporté à Buchenwald avec Marcel BARBU, rejoint la communauté à Valence. Il devient secrétaire général de l’Entente Communautaire et président de l’Entr’aide Communautaire.

Claude BELMAS, résistant, membre du Comité de libération de la Drôme en 1944, prend la direction du Service Social de Boimondau, puis devient secrétaire général de l’Entente Communautaire.

Toutes ces rencontres communautaires à Valence, compagnons, chercheurs, visiteurs, font partie de l’Histoire Communautaire et laissent des documents qui se retrouvent dans les archives.

Plus de 1000 boites attendent les chercheurs.

La réalisation de ce fascicule s’appuie sur les archives déposées :

Aux archives départementales de la Drôme

La Médiathèque de Valence

Des témoignages personnels.

Pour aller plus loin ensemble

Date de dernière mise à jour : 22/09/2020

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