Notre-Dame d’Étoile dans l’histoire

Après l’émiettement de la trame de l’empire romain qui servait d’ossature depuis dix siècles à la moyenne partie de l’Europe, la structure monastique devient l’unique module social capable de susciter un renouveau d’organisation, tant était grande la dilution du pouvoir temporel. L’importance de ce rôle n’échappait pas aux responsables des ordres qui, tout en assument les fonctions qu’ils étaient appelés à remplir (maintien des textes législatifs et juridiques par leur fonction de copistes, tenue des registres d’état civil et des terriers, rôle d’éducateur par l’enseignement), percevaient le danger que représentaient les tentations de cette irruption dans le gouvernement du monde.

C’est à cette préoccupation que répondait l’instauration de l’ordre cistercien.

C’est pourquoi l’art cistercien est une théophanie (révélation de Dieu). L’architecture y est sobre, dépouillée, prêtant à l’élévation des pensées et des aspirations,

L’ornementation y évoque les textes sacrés et la glorification de Dieu et de ceux qui le servent, tout en prônant le détachement des biens de ce monde, obstacles au colloque avec le plan divin.

Toute église romane est le développement de ce thème.

Au moment de l’éclatement de l’empire de Charlemagne, mort en 814, l’Europe traverse, entre le IXe et le Xe Siècle, une période critique aggravée par les raids des Vikings, des Magyars et des Sarrasins.

Après la cession d’une partie de la Normandie au Chef Viking ROLLON en 911, après la victoire d’OTTON 1er sur les Magyars, à Lech en 955 et après l’expulsion des Sarrasins de leur base de Fraxinetum en 972, le repeuplement et la restructuration de l’Europe s’organisent autour des trois plus grandes nations : la France, L’Allemagne et L’Angleterre. Lors de cette réorganisation, l’importance des communautés structurées se conforte et leur rôle civilisateur et culturel se traduit par l’édification des cités autour des implantations monastiques qui détiennent les missions d’enseignement et de tenue des registres d’état civil et des biens immobiliers,

Au regard de l’insignifiance des premiers rois Capétiens :

ROBERT LE PIEUX (996-1031)

HENRI 1er (1031-1060)

PHILIPPE 1er (1060 - 1108)

LOUIS VI LE GROS (1108-1137)

L’importance et la valeur de la personnalité de grands responsables ecclésiastiques comme celles de l’Abbé SUGER, conseiller de LOUIS VI illustrent le rôle de la charpente monastique dans l’essor d’un monde en reconstruction dont les monastères sont à la fois des centres d’accueil et des pôles de rayonnement culturel et spirituel.

Le monachisme naît entre le 3e et le 4e siècle en Égypte et en Syrie.

Le premier ermitage d’Antoine se situe vers l’an 300 et le premier monastère de Pacome fonctionne de 292 à 346. Inspirée par la VITA ANTONI d’EVAGROS D’ANTIOCHE, la vie monastique se développe en Occident à partir de 370 et prend sa forme élaborée dans la règle de Saint-Beboit de Nursie (Norcia à l’Est de Spolete en Ombrie) qui fonde l’abbaye du Monte Cassino en 529.

Cette règle de Saint-Benoit, prônée par le pape GREGOIRE et recommandée par CHARLEMAGNE, inspire une réforme profonde de l’Église basée sur un retour à la pureté originelle de l’union mystique avec DIEU, dans une synthèse des visions des Pères de l’Église grecs et latins. L’ordre cistercien constitue une nouvelle poussée de cette orientation constituant une nouvelle réforme de Cluny, commencée à Molesmes, monastère proche de la haute vallée de la Seine, un groupe de moines, entraîné par l’Abbé ROBERT et le prieur ALBERIC, quitte Molesmes en 1098 pour fonder un nouveau monastère inspiré par les conceptions de CASSIEN et des Pères du Désert basées sur :

1) retour å la simplicité de la vie quotidienne, du culte et de l’art.

2) rupture avec le monde par la pauvreté, le silence et le travail manuel.

Cette nouvelle conception se concrétise au monastère de Cîteaux en Bourgogne (Cistel : les Roseaux) auquel se joignent en 1111 les compagnons de BERNARD. En 1115, l’abbé de Cîteaux charge BERNARD de fonder le monastère de Clairvaux qui avec Morimond, Laferte et Pontigny, constituent les quatre filles de Cîteaux.

A la fin du XIIe siècle, il y aura un ensemble de 343 monastères. Il semble que la communauté cistercienne d’Étoile ait été fondée entre 115O et 1200, dans l’obédience de Saint-Chaffre du Monastier en Velay et en complément de la communauté bénédictine d’Étoile située au Monastère de Saint-Marcellin.

L’Abbaye Saint-Chaffre du Monastier est implantée au Monastier sur Gazeille, gros bourg situé à 17 kms au Sud-Est du Puy en Velay, sur la Nationale 535, au bord de la Gazeille, affluent de la rive droite de la Loire.

Elle fut fondée vers 680 par CARMERY (CALMILIUS) Duc d’Auvergne et confiée à Saint-Eudes, son premier Abbé, moine de la communauté des îles de Lerins, en face de Cannes.

Son second Abbé, Saint-Théoffroy, fut lapidé par les Sarrazins lors du sac de l’Abbaye en 732, année où furent arrêtés les raids Sarrazins par la victoire de Charles MARTEL à Poitiers. Ce martyre donna son nom à l’Abbaye qui le conserva jusqu’à la dissolution de la communauté en 1790, en adoptant la forme populaire de THÉOFFROY (THEOFRED) qui devient CHAFFRE, chuintement caractéristique des patois auvergnats.

Dès sa fondation, l’Abbaye reçoit de nombreux legs et donations et, en quelques siècles, elle devient une immense fondation ramifiée dans une grande partie du Sud-Est et du Centre-Sud de la France.

En 886, le Comte ODILON légua une grande partie de ses biens à Saint-Chaffre. L’Abbaye subit au cours des siècles les aléas de la situation.

En 1360, elle est à nouveau pillée par les membres des Grandes Compagnies « Les Routiers » fractions errantes des mercenaires licenciés après la paix de Brétigny.

Les Compagnies de Boutevant, puis de Pierre Boeuf et de Badefol sont les responsables de ces déprédations.

Lors des guerres de religion, l’Abbé de Saint-Chaffre, Antoine de SNECTERRE, qui est aussi évêque du Puy, tient garnison et guerroye contre les Protestants.

En 1516, l’Abbaye adhère au Concordat établi entre François 1er et Léon X après la capture de François 1er,

Ce Concordat appauvrit l’Abbaye qui décline lentement puisque en 1700 l’Abbaye qui comptait plus de 100 moines auparavant n’en conserve plus que 15.

En 1774, l’Abbé LEFRANC de Pompignan rattache Saint-Chaffre à la mense (ensemble des revenus) de l’évêché de Vienne dont il est titulaire.

Entre 109O et 1100, Saint-Chaffre possède :

- 440 maisons avec leurs dépendances

- 17 moulins

- 70 Églises ou chapelles

des forêts, des champs, des vignes, répartis dans les diocèses de Rodez, Clermont, Mende, Viviers, Nimes, Valence, Vienne, Die, Grenoble et Maguelonne, à une époque où la France comptait 110 Diocèses et 4000 Monastères.

Ces biens français sont complétés par des possessions en Suisse et en Italie. C’est au 13e et 14e siècle que la fortune de Saint-Chaffre est å son apogée. L’abbaye possède en effet, å cette époque, 235 à 237 églises, monastères, prieurés et chapelles.

Ces biens sont protégés par les puissants du monde comme en témoignent :

- une lettre de PEPIN, roi d’Aquitaine, en Décembre 845, en réponse à une demande de l’Abbé GALTERIUS.

- l’exonération de tous les biens de l’Abbaye par CONRAD le PACIFIQUE, roi de Bourgogne, en 962, pour les diocèses de Valence et de Die.

- les bulles de 1090 du Pape URBAIN II

1105 du Pape PASCAL II

1179 du Pape ALEXANDRE III

1265 du Pape CLÉMENT IV

- l’intervention du Pape LUCIUS II par une lettre pastorale, en 1144, concernant les biens de l’Abbaye au Monastère de Clivus pillés par ARNALDUS de Crest et ARTALDUS de Beaudiner.

L’importance de l’appartenance et de l’obédience de la communauté cistercienne d’Etoile est lourde de conséquences.

En effet, les règles monastiques de l’ordre bénédictin et de la réforme de Cîteaux impliquent une organisation, un style de vie et une architecture conformes aux tendances et objectifs de ces règles qui conditionnent implantation et style des édifices culturels. .

Par exemple, les doubleaux en sifflet de la travée Nord et la sobriété de la décoration émanent directement des impératifs de la rigueur cistercienne, adoptée par les moines bâtisseurs formés à Saint-Chaffre.

Notre Dame d’Étoile procède de la rencontre de trois impératifs :

1) L’implantation sur une base rocheuse étroite qui entraîne un renforcement des piliers intérieurs pour supporter sans confortation extérieure la plus grande partie des voûtes et des cintres.

2) L’utilisation du matériau local, la pierre d’Étoile (grès coquillier du miocène)

3) L’austérité de la décoration conforme à l’ascèse cistercienne.

Il semblerait que le choix de l’emplacement de Notre-Dame d’Étoile ait été fait en fonction de la place occupée par l’agglomération (antérieure à la construction de l’église) implantée sur les deux buttes du château de Diane de Poitiers et de la Pérouse et en fonction de la continuité voulue de l’espace cultuel et du domaine conventuel qui occupait le quart sud-ouest de la cité actuelle.

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Date de dernière mise à jour : 04/10/2020

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