La terreur

ÉTOILE sous la Révolution - Léopold LAMOTHE

Chapitre IV – La terreur

Le 21 novembre 1792, le citoyen Simon ROUX donne lecture d'une lettre par laquelle

Charles-François CHAIX, ci-devant curé d’Étoile, venait d’être relevé de ses fonctions par le Directoire de Valence. Les officiers municipaux prient leurs administrés de ne pas inquiéter leur ancien pasteur, en lui laissant librement « débagager » ses effets. Ils s’engagent, au surplus, à lui fournir des secours en cas d’émeute populaire.

Les ornements l’église qui lui appartenaient lui furent remis sur-le-champ.

Le curé CHAIX avait refusé de lire le mandement ne l’évêque constitutionnel de Valence. Il trouva un asile au Tru, puis chez l’ancien maire MARTIN, et resta cache pendant la terreur.

L’Assemblée électorale du district lui donna pour successeur son vicaire PÉLERIN, né à Romans. Le nouveau prêtre constitutionnel ne sut pas entretenir de bonnes relations avec la municipalité, qui regrettait l’ancien aumônier de la garde nationale. D'ailleurs, il avait pris place parmi les citoyens les plus exaltés ; et on verra, plus loin, qu’il fut un des membres violents de la Société populaire.

À propos de meubles et effets dépendant de la chapelle des Pénitents, qu’il avait déplacés, il dut comparaître à l’Hôtel de Ville, où il fut vertement interpellé : « Si j’avais à m’adresser à votre ministère, lui dit le citoyen DODDE, ce serait en votre qualité de vicaire et non en celle de curé, que je regarde comme nulle ! » Ce mot de vicaire parut une offense au sieur PÈLERIN, qui répliqua aigrement : « Mais, lui fit-on observer, l’erreur ne peut vous être fâcheuse, puisqu’on dit vicaire au

Pape ! ».

Par une délibération du 2 février, le Conseil général d’Étoile reconnaissant que le citoyen CHAIX, ci-devant curé, s’est toujours conduit avec la plus grande édification dans la paroisse ; qu’il a emporté, dans sa retraite, l’estime et les regrets de ses fidèles ; qu’il s’est toujours conformé aux lois nouvelles et en a prêché l’observance du haut de la chaire de vérité ; qu’il n’a jamais occasionné la moindre dissension, et que, très certainement, les admirateurs du Département ont clé trompés lors de leur arrêté révoquant le curé CHAIX. Pour ces raisons, prie les directeurs de le réintégrer dans ses fonctions. (10 décembre 1792)

Dans la séance publique du 8 février 1793, il est donné lecture d’une requête présentée par Guy DEVILLE, noble patrice de Ferrari (Italie), qui prétend rester propriétaire du fonds du Parquet. En sa qualité d’étranger, il allègue que la loi sur les biens seigneuriaux ne saurait l’atteindre.

Le citoyen BERNARD fait remarquer dans son rapport, que la terre en litige était comprise dans les domaines du seigneur d’Etoile jusqu’en 1612, et qu’ainsi, les prétentions du sieur Guy DEVILLE ne paraissent  pas fondées. Le Conseil partage  cette manière de voir et déclare que le demandeur n’a aucun droit sur l’immeuble précité.

En conséquence, la municipalité prendra à sa charge les rentes et legs faits à l’hospice,  par Guillaume de POITIERS, le 12 mars 1546.

En arrêté du maire MARGERIE défend, sous peine d’une amande de dix livres, de laver des cocons de bassine dans les différents réservoirs des fontaines de ce lieu, l’eau devenant, par suite du manque de propreté, très nuisible à la santé des habitants et des animaux.

Même interdiction pour les tripes, viandes et herbes ». Le citoyen JAMONET est autorisé à surveiller l’exécution de la présente ordonnance.

Pour initier à la défense nationale la jeunesse ainsi que les hommes non mariés, ou veufs sans enfants, la municipalité décide que tous ceux qui sont sous le coup de la loi des réquisitions se rendront, le dimanche, sur la place d’Ames, pour s’exercer maniement du fusil et aux évolutions militaires, sous la direction du citoyen GUÉRAIN, ancien soldat.

Nous sommes en pleine Terreur. Le directoire exige des certificats de présence de tous les

Suspect du canton d’Étoile ; devront se présenter tous les huit jours, à l’Hôtel de Ville, devant le Maire, savoir : DODDE, prêtre ; Henri MAZADE, Simon ROUX père, Magdeleine MAZADE, Catherine DESAYMAR, PORTES, prêtre ; Alexandrine DESAYMAR, Gabrielle ROUX, Ferdinand ROUX, Auguste ROUX, Gabrielle ROUX, Louise VAULOIS (veuve DUPONT), Henriette DUPONT, Reyne DUPONT, Angélique BELDENTY, Julie DUPONT,  Hugues LAURENCIN, Chomel LAURENCIN, Amélie DUPONT, Ernest DUPONT, Camille DUPONT.

Les citoyens ROUX et BOUVET s’adjoindront à MELLERET pour « Bâtonner » les actes et titres qui peuvent se trouver chez les notaires.

Une souscription s’organise pour acheter des souliers aux braves volontaires : un registre est ouvert à la mairie et se couvre de signatures

L’enrôlement continue et marche à merveille : tous jurent, en partant, de donner leur sang à la République. Remarquons qu’aucun ne sait lire.

Mais le vicaire MELLERET est exemple du service parce qu’il veille sur les jours de son père, président de l’administration départementale, place que le peuple lui a confiée en récompense de son civisme.

Cette faveur amène des protestations énergiques à toutes les réquisitions nouvelles. Les jeunes gens désignés refusent de partir. Par trois fois, le tirage au sort ne peut avoir lieu : c'est un tumulte indescriptible dans l’église paroissiale, siège des opérations. Trois fois, les listes sont enlevées et déchirées. Les citoyens Louis PLATEL, Joseph PLATEL, Antoine PLATEL, Simon PERMINGEAT et Jean BRESSON, maréchal, se font surtout remarquer par leur attitude hostile : ils réclament l’application de la loi et insulte le commissaire et le Directoire.

Pour prévenir des faits regrettables, le maire MARGERIE défend aux cabaretiers de donner du vin, liqueurs et eau-de-vie les jours de réunion, sous peine de dix livres d’amende.

Des perquisitions sont ordonnées chez les suspects, afin d’enlever les armes qu’ils pourraient posséder. Des fusils, pistolets, épées, hallebardes, sont saisis aux habitations de MAZADE, Simon ROUX, François PORTES, Antoine DODDE et LAURENCIN de Chanfort.

Les citoyens ROUX et MAZADE apportent eux-mêmes, à l’Hôtel de Ville, leur décoration de l’ordre de Saint-Louis. Le Conseil décide que les diplômes seront brûlés el les croix envoyées à la Trésorerie du département.

À l’occasion de la Fête nationale, les citoyens du canton, réunis au chef-lieu, acceptent, à l’unanimité de cinq cent trente votants, la Constitution élaborée par les représentants du peuple.

La Patrie est menacée par toute l’Europe : jamais elle n’a couru de plus grand danger.

 Dans ces circonstances terribles, et pour se conformer au décret du Directoire de la Drôme, la municipalité décide que la grosse cloche de l’église sera seule conservée et que les deux autres et celle des Pénitents seront envoyées à Valence pour être fondues en canon.

On fait appel au dévouement des citoyens, et afin de ne pas les déranger des travaux des semailles, l’opération est remise au dimanche suivant.

Mais la Société populaire crut voir une manœuvre dans ce retard de quelques jours. Elle pensa, à tort ou à raison, que MARGERIE voulait apitoyer le peuple ignorant et fanatique.

Cependant, la descente des cloches eut lieu sans incident, et au milieu du calme le plus parfait. Le soir même, le citoyen Jean-Louis POINT les conduisait au chef-lieu du département (13 octobre 1793).

Sont désignés comme membres du Comité Révolutionnaire du canton : TERRASSE, ROMIEU, MARTIN, FRAUD, CHOVET, CHARIGNON, ROUX-PEYROTON, BOUVET, THOMAS fils, BRESSON père, MARGERIE, SOUCHIER ; et CHAMON, CROZAT, CROZIER, POINT, BILLON, en qualité de suppléants.

La peur s’empare des gens paisibles qui viennent prêter serment ä la mairie et réclamer des certificats de civisme. Ils n’ont rien à craindre, cependant, et le sang ne coulera pas à Étoile.

Grande réunion publique à l’Hôtel de Ville, sous la présidence du citoyen MARGERIE, qui, en qualité de maire, prononce le serment de soutenir et défendre jusqu’à la mort, le Liberté, l’Égalité, la République une et indivisible, la sûreté des personnes et des propriétés, et résister à la tyrannie et à répression.

Puis tous les citoyens prêtent le même serment.

Après avoir pris connaissance les évènements qui se sont succédé à Paris, depuis le 31 mai 1793, il est contenu que l’adresse ci-après sera transmise à la Convention nationale :

Les citoyens d'Étoile, voulant manifester leurs principes dans les circonstances où se trouve la Patrie, jurent à la face du Ciel qu’ils veulent la Liberté, l’Égalité, la République que les propriétés soient respectées et l’anarchie anéantie !

Qu’ils vouent à l’exécration publique les auteurs et les complices des attentats commis contre les représentants du peuple, et qu'ils s’unissent à tous les bons citoyens pour soutenir les véritables intérêts de la Nation.

Cette lettre honore la municipalité qui avait le courage de donner son opinion sur les actes de violence commis par la populace parisienne.

Le Conseil est instruit que l’huile de la lampe de l’église avait été enlevée et répandue  sur les marchepieds et dans le confessionnal du citoyen PÉLERIN, curé, dans le but d’entacher ses habits sacerdotaux. Il est ordonné une enquête sérieuse, et le garde champêtre CHOL devra veiller à ce que pareille indécence ne se renouvelle pas.

Le seizième jour du deuxième mois de l’an 2 de la République une et indivisible, le citoyen ALBITE, délégué par la Convention nationale auprès des départements de la Drôme, l’Ardèche et le Vaucluse, pour des mesures de salut public, et en vertu des pouvoirs à lui attribué, considérant qu’il convient de composer le Conseil d’Étoile de patriotes purs et dévoués à la Révolution, arrête ainsi qu’il suit la liste des administrateurs de la commune :

Maire : SAYN père ; officiers municipaux : Joseph POZIER, BOUVET, ROUX-PEYROTON fils, Pierre ROBERT, Antoine MARCELLIN, NAVELLE ; procureur de la commune : Jean-Louis SAUSSE ; notables : Jacques MIONET, ROUX, chirurgien ; Antoine MELLERET, vicaire ; Jean-Pierre TERRASSE, SAYN fils, Simon MARGERIE, Louis-Adrien RAMUS, Pierre CROZIER, Jean-Baptiste BRESSON, maréchal-ferrant ; DUSSERRE fils, à Pizé ; THOMAS, CAMPERRI, maréchal–expert à Lapaillasse.

M. SAYN remplit donc les fonctions de maire dans ses circonstances critiques, ou le pouvoir entrainait de terribles responsabilités. Ce citoyen honnête et courageux fut bien l’homme de la situation. Très modeste, d’ailleurs, il n’accepta la nouvelle charge que pour mieux servir sa commune. Grâce ii son énergie et la considération dont on l’entourait, il put éviter de grands malheurs, non seulement ici, mais à tout le canton ; car il ne poussa jamais aux mesures violentes. Aussi, mérite-t-il, comme Joseph-Pierre MARTIN, occuper une place des plus honorables dans l’histoire des municipalités d’Étoile.

Le 18 brumaire, un 2 de la République, le juge de paix oppose les scellés chez les citoyens

DUPONT ainé et MAZADE, qui sont arrêtés par quatre gardes nationales.

Le gendarme LAMBERT, sur un ordre du Directoire, conduit les suspects, au nombre de sept : MAZADE, DUPONT, DODDE oncle, DODDE neveu, PORTES prêtre, ROUX père et BÉAL, à la prison Sainte-Marie, à Valence.

Considérant, toutefois, que DUPONT est retenu dans son lit par une maladie qui met ses jours en danger, le citoyen Jean-Louis SAUSSE, agent national, ordonne que son transfert soit différé jusqu’à ce que le Conseil en décide autrement. On procéda ensuite à la vente de leur mobilier (*).

(*) Deux placards du comte DUPONT sont à l’école communale

Le canton est appelé à fournir des hommes, des chevaux et des vivres à l’armée qui assiège

Toulon.

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Date de dernière mise à jour : 17/06/2022

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