Marcel MERMOZ

80 ans : Un nouveau venu : Marcel Mermoz

Par Le 03/04/2023

80 ans : Un nouveau venu : Marcel Mermoz

Marcel Mermoz arrive à Valence le 29 mars 1943, il a été libéré la veille du camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) dans des conditions pas très claires : Marcel Barbu, de passage à Vichy, a fait envoyer au directeur du camp un ordre de libération immédiat. Le directeur s’exécute puis doute, mais trop tard, Marcel Mermoz est dans le train. Il faut le rattraper !

Cette petite péripétie n’aurait pas eu lieu sans la rencontre entre les deux Marcel en décembre 1942 et cette rencontre n’aurait pas pris autant d’importance si Marcel Mermoz n’avait ne s’était pas décidé à rejoindre la communauté.

  

Voici l’histoire des 28 jours que Marcel Barbu a passés Saint-Sulpice.

Tôt le matin du 23 novembre 1942,  les compagnons de l’usine de Marcel Barbu manifestent à la gare de Valence au passage du train venant de Fort-Barreaux et emmenant Marcel Barbu à Saint-Sulpice.

Marcel Barbu arrive en soirée au camp de Saint-Sulpice.

Il lui faut quelques jours pour s’installer, fait connaissance avec l’organisation du camp, retrouver quelques catholiques, et les entrainer dans la prière. Il est hors de question que ce séjour se traduise à une période de vacances, comme beaucoup qui attendent, espèrent leur libération.

Marcel Barbu a remarqué, en se rendant au lever de drapeau dans la cour d’honneur, obligatoire pour les nouveaux arrivés, une petite chapelle et à chaque fois il se heurte à la porte fermée sur laquelle est inscrit « Bibliothèque » et les horaires.

  

Camp de Saint-SulpiceUn matin, il est présent à l’heure d’ouverture accompagné de quelques chrétiens. Étonnement de Marcel Mermoz, le bibliothécaire, qui n’a pas l’habitude de voir un groupe s’intéressait à la lecture, d’ailleurs, passer une journée sans voir personne lui va très bien.

Accueil froid de ce groupe qui a à sa tête un membre des « Compagnons de France Compagnons de France » que tout le monde sait qu’ils sont proches de Pétain. Ils veulent prier, même qu’ils exigent que la chapelle soit un lieu de prière. Mermoz fort des autorisations du chef de camp pour créer une bibliothèque (des crédits existent pour cela), ne veut pas entendre parler de pratiques religieuses dans SA bibliothèque.

Marcel Barbu et ses amis ressortent et à genoux devant l’entrée de la chapelle, commencent à prier. Par ce froid, ils vont vite se calmer, pense Marcel Mermoz.

Ainsi, après la levée des couleurs, chaque matin, le groupe, qui grandit, se retrouve devant la chapelle.

Un jour, quand ils arrivent par un vent glacial, la porte est entr’ouverte et ils comprennent qu’ils sont invités à entrer. Après la prière, ils se regroupent autour du poêle. Mermoz les houspille et leur dit que la chaleur c’est pour tout le monde. Barbu s’excuse !

Si le bois chauffe les mains, le regard croisé entre les deux Marcel opère comme un coup de foudre. Les échanges peuvent commencer.

  

Marcel MERMOZ et Lucien SAMPAIXLes livres, la religion. Issu tous deux de familles pauvres et catholiques, leur rural, l’autre citadin. L’un nourri par les penseurs communistes, l’autre par les versets de la bible. L’un a profité de la vie pendant que l’autre a fondé une famille et a beaucoup entrepris. Et quelle entreprise ! Une communauté d’homme qui se met en marche pour créer une autre société. Mermoz veut convaincre Barbu que cette réalisation c’est du socialisme, du communisme, non, répond Barbu, c’est dans la bible que j’ai trouvé la source, et encore dans la bible que je trouve la force et l’espoir d’aller de l’avant.

Tous les jours la bibliothèque est témoin des échanges entre les deux Marcel. L’un parlant de boitiers de montre, l’autre de culture et agriculture.

Là née une l’idée d’acheter une ferme pour nourrir la communauté, et aussitôt Barbu propose à Mermoz de le rejoindre pour prendre la direction de la ferme.

Mermoz hésite. Depuis l’âge de seize ans qu’il a quitté ses parents, il refuse tout chef : ni dieu, ni maitre. Alors, travailler sous l’autorité de Marcel Barbu ou obéir à des règles imposées par l’ensemble des compagnons ? Un petit lopin de terre, quelques animaux, un peu d’argent pour acheter des livres… son rêve.

Le 22 décembre 1942, Marcel Barbu est libéré, avant de quitter le camp, il répète à Mermoz sa proposition de le rejoindre à Valence. Rien ne presse pour Marcel Mermoz, il a trouvé sa place dans ce camp, entouré de livres et pas de soucis pour le moment.

Mais voilà, le camp doit se vider et les occupants seront dirigés vers des destins inconnus. Peut-être la déportation en Allemagne pour travailler. Pour les Allemands qui ont envahi le Sud de la France le 11 novembre 1942  jusqu’ici déclarée zone non-occupée  il n’est pas pensable de nourrir des hommes à ne rien faire quand l’occupant a tellement besoin de main-d’œuvre (mise en place du STO).

Mermoz se rappelle la proposition de Marcel Barbu, son projet personnel peut attendre.

Il se rend à l’entreprise des Boitiers de Montres du Dauphiné, Marcel Barbu est absent, il se présente à la secrétaire, il est bien accueilli car sa réputation l’a devancé. Il accroche son manteau au porte-manteau quand on le prévient que deux gendarmes veulent savoir s’il est déjà arrivé.

Il n’y a pas une seconde à perdre, après quelques brèves explications pour lui indiquer la ferme de Mourras à Combovin, il suit la secrétaire qui l’entraine dans les combles, sort par un vasistas, court sur le toit encombré de son sac, direction Chabeuil. Éviter l’aérodrome occupé par l’aviation allemande, et prendre les sentiers qui montent sur le plateau de Marquet. Sans ralentir Mermoz remplit ses poumons de l’odeur de la campagne et de la liberté.

  

Une secrétaire cache le manteau que Mermoz a oublié.

Marcel Mermoz ne quittera plus la Dôme, mais ce sera une longue histoire !

À suivre