
C'est donc une trentaine de personnes qui se sont réunies le mardi 7 octobre pendant près de trois heures à l'initiative de l'union locale de Valence des retraités CFDT et de la SSR Éducation Formation Publiques pour échanger sur l'entreprise Boimondau. Pour l'occasion, nous avons accueilli Michel Chaudy, auteur de l'ouvrage Faire des hommes libres* consacré à l'expérience Boimondau (Boitiers de Montres du Dauphiné).
Devenue une référence internationale dans les milieux autogestionnaires, Boimondau fut créée en 1941 par Marcel Barbu sous la forme d'une communauté de travail. Cette entreprise, installée rue Montplaisir, existera jusqu'au début des années 70, soit la durée de vie moyenne d'une entreprise, et comptera jusqu'à 230 familles.
Pour Marcel Barbu, la communauté ne se limite pas à l'économique et se fixe comme objectif de « faire des hommes libres ». Pour cela, la formation, rémunérée et sur le temps de travail, est un passage obligé, et pas seulement la formation professionnelle, mais aussi le développement culturel : l’usine se dote d'une bibliothèque, d'un cinéma et le salaire à la valeur humaine valorise les efforts de chacun. La place de la femme est reconnue même si elle est au foyer. Elle participe aux réunions de quartiers, au conseil d'administration, aux votes et son implication est rémunérée. La communauté est aussi une base de solidarité face à la maladie, aux problèmes de logements, aux difficultés de ravitaillement grâce à la coopérative et à la ferme de Mourras à Combovin.
Le refus de la Relève puis du STO, débattu entre compagnons, radicalise les engagements de la communauté. Les compagnons concernés sont cachés, expédiés à Combovin. Marcel Barbu est arrêté en Avril 1944, déporté à Buchenwald. À son retour en mai 1945, il cède son entreprise aux compagnons et laisse la place à Marcel Mermoz comme chef de la communauté. Moins sensible aux idéaux de l'esprit communautaire, Mermoz développe la production dans la direction des Scop. Par la suite, la communauté Boimondau est rattrapée par la mise en place de l'État providence, la reconstruction, le développement de la consommation et des loisirs, atténuant de fait l'originalité de la communauté Boimondau.
La discussion menée par Michel Chaudy a été, selon un avis extérieur, de grande qualité, posant une réflexion sur le travail aujourd'hui, source d'exploitation ou créateur de lien social et de solidarité. La qualité des échanges s'est aussi nourrie des souvenirs d'intervenants, eux-mêmes enfants de boimondistes. Un document vidéo (12 mn) réalisé par Samuel Sagon nous a replongés dans l'ambiance de la communauté naissante dans son contexte historique.
Beaucoup de pratiques Boimondistes appartiennent au passé, à un autre contexte. Et pourtant il y a des objectifs à faire vivre dans cette "utopie" qui a tenté de replacer le travail au centre des relations sociales. Le chantier sur le travail, cher à la CFDT, n'est pas clos. Il reste toujours à défendre la solidarité des travailleurs face à l'individualisation des rapports sociaux, à replacer la formation au cœur des parcours professionnels, à faire une place à l'épanouissement culturel.
* Faire des hommes libres Michel Chaudy. Éditions REPAS, 4 allée Séverine – 26000- Valence.